PROGRAMME INTERNATIONAL DE COOPERATION SCIENTIFIQUE
(PICS)
Rapport scientifique
Année 2002

Ce PICS a pour objectif initial de mettre en œuvre trois principales opérations communes, échelonnées sur 3 ans de la manière suivante :

Année 1 : opérations d’échantillonnage sur le terrain (paléosismologie, traces de fission, paléomagnétisme).
Année 2 : remesure du réseau GPS en Mongolie et densification éventuelle.
Année 3 : expérience de sismologie large bande.

Année 2, réalisations et résultats

 

1. Mission de terrain GPS en Mongolie

Dans un second temps, les paramètres estimés et la matrice de covariance associée pour chaque solution libre journalière sont combinés et ajustés à l’aide d’un filtre de Kalman (GLOBK) afin de déterminer les positions et vitesses des stations dans le référentiel terrestre ITRF2000. Cette solution combinée libre est rattachée au référentiel terrestre en lui appliquant une transformation à 14 paramètres qui minimise les déviations des vitesses et positions des stations IGS par rapport aux valeurs de l’ITRF2000. Le résultat final est une vitesse et position par site dans le référentiel ITRF2000, avec la matrice de covariance complète associée. Nous définissons ensuite la plaque Eurasie “stable” en inversant les vitesses de 15 sites GPS répartis sur cette plaque (YAKT, IRKT, KSTU, ARTU, ZWEN, GLSV, GRAZ, WSRT, POTS, WTZR, KOSG, CAGL, NRIL, NVSK, VILL) pour obtenir les paramètres de rotation rigide Eurasie-ITRF2000. Les résidus à ces stations sont inférieurs à 1.2 mm/an. Nous soustrayons cette rotation rigide du champ de vitesse ITRF2000 afin d’exprimer les vitesses par rapport à l’Eurasie (Figure 1).

 

Figure 1.
Vitesses horizontales mesurées en Mongolie, exprimées par rapport à l’Eurasie.
Les ellipses d’erreur sont à 95% de confiance.
Les chiffres indiquent la vitesse en mm/an.

Nous observons des vitesses de l’ordre de 5 mm/an en Mongolie, avec un régime de déformation contrasté: vitesses vers le nord et raccourcissement NS en Mongolie occidentale, vitesses vers l’est à sud-est et cisaillement sénestre en Mongolie centrale et orientale. Des modèles simples d’accumulation de déformation élastique sur des failles bloquées permettent de proposer des vitesses de glissement long terme sur les failles de Tunka, Bolnay, et Gobi Altay de 2?1.2 mm/an, 2.6?1.0 m/an et 1.2 mm/an, respectivement, et 4?1 mm/an d’extension au travers du rift Baikal. Par conséquent, ~15% de la convergence Inde-Asie est encore absorbée au NE du Tien Shan, ce qui démontre l'existence de taux de déformation significatifs dans cette partie très septentrionale de l’Asie. La convergence est absorbée à l'ouest de manière progressive à travers l'Altay, qui joue un rôle de “barrière” dans le « pattern » cinématique.

Nous travaillons actuellement à un interprétation plus détaillée et quantitative de ces résultats GPS et à leur valorisation sous forme de publications (voir liste des publications soumises).

Cette partie du projet a coûté environ 132 KF du côté français : 80 KF ont été pris sur le contrat PICS (40 KF du crédit 2001, 40 KF du crédit 2002) ; 22 KF ont été co-financés par un contrat OTAN et 30 KF co-financés par un contrat INTAS et un reliquat de contrat IT.

 


Dans le cadre de la seconde année du PICS, nous avons réalisé une campagne de mesures GPS en Mongolie. L’objectif de cette campagne était de remesurer l’ensemble des points géodésiques d’un réseau GPS couvrant la Mongolie occidentale et centrale, installé en 1997 et 1998. Cette campagne était la 3ème époque de mesure du réseau GPS et permettait donc de finaliser le champ de vitesses GPS.
La campagne de mesure a été réalisée en collaboration avec le Centre de Recherche en Astronomie et Géophysique de l’Académie des Sciences de Mongolie (CRAG) et l’Institut de la Croûte Terrestre d’Irkoutsk, Russie (IEC). Nous avons déployé 6 équipes sur le terrain entre 2 et le 23 juillet 2002. Les équipes étaient constituées d’un scientifique mongol, d’un ou deux scientifiques russes ou français, et d’un chauffeur. L’équipement GPS était fourni par la partie française (4 récepteurs Ashtech MicroZ et antennes choke-ring) et la partie russe (2 récepteurs Ashtech Z12 et antennes Geodetic III). Nous avons mesuré 20 sites pendant 3 à 4 sessions de 24 h chacun (Tableau 1). Les paramètres d’enregistrement étaient fixés à 30 secondes de pas d’échantillonnage et 10 degrés de masque d’élévation.

Nous avons aussi bénéficié de données GPS fournies par l’Agence d’Etat pour la Géodésie et la Cartographie de Mongolie (SAGaC). Certaines de ces données ont été acquises sur les mêmes marqueurs géodésiques que lors de nos campagnes et permettent donc de compléter nos séries temporelles. D’autres ont été acquises lors de mesures répétées sur des sites que nous n’avions pas observés et nous permettent donc de compléter notre réseau.

Les données de cette campagne GPS, ainsi que celles des campagnes précédentes, réalisées avec les mêmes collaborateurs, sont échangées entre les 3 participants: CRAG, IEC et CNRS. Nous avons formé deux scientifiques, un russe (Andrei Lukhnev) et une mongole (Sharavyn Amarjargal) au traitement des données GPS à l’aide du logiciel GAMIT/GLOBK.


Tableau 1.
Sites GPS mesurés pendant la campagne 2002 en Mongolie et dates des mesures. t: transit entre sites, x: mesures GPS réalisées, les chiffres sont les heures de mesures réalisées les jours de transit.

Le logiciel GAMIT traite les données de phase et de code en doubles différences sur la combinaison linéaire LC "ionosphere-free" des fréquences L1 et L2. Nous incluons les données de 16 stations GPS permanentes IGS dont les positions et vitesses sont précisément déterminées dans le référentiel terrestre ITRF afin de nous rattacher à celui-ci (TIDB, FAIR, KOKB, USUD, TAIW, GRAZ, TSKB, SHAO, KIT3, XIAN, POL2, URUM, KSTU, YAKT, NVSK, TIXI). Nous estimons les positions des stations, les conditions initiales des orbites, 7 délais zénithaux par station et par jour. Nous appliquons les modèles de correction de centre de phase des antennes, les éphémérides précises et les paramètres d’orientation de la Terre fournies par l’IGS. Nous modélisons le lacet des satellites GPS et les décalages géométriques entre leurs antennes et le centre de gravité du satellite. Nous modélisons les marées solides lunisolaires et polaires. Les paramètres à déterminer sont estimés à l’aide d’un ajustement par moindres carrés. La solution journalière utilisée par la suite est calculée en relâchant les contraintes sur tous les paramètres estimés (solution libre).

 

2. Mission de reconnaissance en sismologie large-bande

3. Modélisation

En été 2002, outre la campagne GPS, 17 sites sismologiques ont été pré-installés (mission de Jacques Déverchère en Sibérie et de Anne Deschamps en Mongolie pour un investissement d’environ 7000 Euros), avec nos collègues sismologues russes et mongols (V. Mordvinova, T. Dugarma, M. Ulziibat). Six sites sont en Russie (Tableau 2), et 11 en Mongolie (Tableau 3). Seul un site en Russie n’a pu être installé, en raison de conditions d’affleurement et de bruit peu favorable. Ce site sera à nouveau prospecté en 2003. Le choix du transect (Figure 2) s’est fait sur les critères des structures profondes et porte notamment sur l’origine d’une des plus importantes topographies en Asie centrale, le dôme de Hangaï, jusqu’au craton sibérien. Les moyens nécessaires pour l’installation des stations (gardiens, approvisionnement en énergie, calage des capteurs large bande, maintenance) ont pu être évalués lors de cette campagne de reconnaissance. Le choix des sites, le nombre de stations se sont effectués conformément à ce qui avait été déterminé en été 2001 avec V. Mordvinova, T. Dugarma, et M. Ulziibat (Irkoutsk et Ulan Bator).

Tableau 2.
Sites sismologiques identifiés pendant la campagne 2002 en Russie.

Tableau 3.
Sites sismologiques identifiés pendant la campagne 2002 en Mongolie

En 2002, cette partie du projet (préparation des 18 sites) a coûté environ 50 KF (missions de A. Deschamps, J. Déverchère, et E. Sichien), dont 10 KF ont été cofinancées par des crédits laboratoire, 20 KF par un contrat OTAN, et 20 KF par un reliquat IT.

Figure 2.
Carte des 18 sites sismologiques dont la reconnaissance a été faite en 2002 (triangles bleus en Mongolie, triangles rouges en Russie) dans le cadre du PICS. Les carrés verts sont les stations permanentes large bande qui pourront être utilisées dans l’étude.


Nous avons utilisé les résultats GPS issus de la campagne de mesure de l’été 2002 pour reprendre et améliorer les modes de déformation post-sismique entamés en 2001 et publiés en 2002 (Calais et al., 2002). Nous avons ainsi apporté par inversion des données GPS les premières contraintes sur la viscosité de la croûte inférieure et du manteau supérieur : nous avons trouvé des valeurs de 3e16 – 2e17 Pa.s
pour la croûte inférieure et de 1e18 – 4e18 Pa.s pour le manteau supérieur. Ces résultats révèlent sous la Mongolie un comportement très « fluide » de la croûte inférieure, et dans une moindre mesure du manteau, ce qui confirme l’action « affaiblissante » probable d’un panache asthénosphérique mis en évidence par ailleurs lors de l’analyse gravimétrique (Petit et al., 2002). Ce résultat est actuellement utilisé (F. Pollitz, USGS, et M. Vergnolle, en fin de thèse à Géosciences Azur) pour comprendre le rôle du coefficient de friction sur les failles sur le transfert de contrainte et sur le déclenchement des grands séismes de Mongolie (Vergnolle et al., soumis).
Nous avons utilisé une technique d'inversion conjointe de la gravimétrie et de la sismologie (données américaines de 1989-1991) pour tester l'existence des remontées asthénosphériques proposées par certains auteurs sont le rift Baïkal et la Mongolie septentrionale. Le code, mis au point par C. Tibéri (Université de Paris 6), a apporté les contraintes nécessaires sur le modèle a priori : nous démontrons que la remontée asthénosphérique sous le rift est limitée en amplitude et n’affecte la lithosphère qu’à partir d’une profondeur de 70 km environ, ce qui invalide le modèle de panache asthénosphérique superficiel proposé depuis plus de 20 ans par certaines équipes russes et américaines. Ce travail fait l'objet d'une publication sous presse au Journal of Geophysical Research (voir références). En Mongolie, la modélisation gravimétrique 2D que nous avons menée (Petit et al., 2002) confirme les résultats issus des données de tomographie locale et de xénolithes mantelliques, qui suggèrent la présence d'une asthénosphère anormalement chaude (+100°) en profondeur (>70km). Ce résultat nous permet d’invalider l’hypothèse du flambage et de mettre en évidence de fortes anomalies de compensation des reliefs. Les chaînons de l'Altaï et du Gobi-Altaï semblent liés à des surépaississements crustaux au voisinage des grandes failles, alors que le dôme de Hangaï montrerait la présence de manteau anormal en base de croûte.
Enfin, le papier sur la modélisation du séisme de Mondy (4 avril 1950, M=7) est paru (Delouis et al., 2002). Les interprétations contradictoires qu’il avait suscitées sont résolus. La modélisation effectuée a permis de proposer un décrochement sénestre sur la faille de Mondy et un mécanisme de partitionnement de la déformation entre cette faille et celle de Ikhe-Ugun, à quelques kilomètres plus au nord.
Pour la partie modélisation, trois papiers ont été publiés en 2002 (Petit et al., Calais et al., Delouis et al.), un est paru en 2003 (Tiberi et al.), et deux papiers sont actuellement soumis au Journal of Geophysical Research, le premier présentant les résultats GPS (Calais et al.), le second les inversions des résultats GPS pour la viscosité du manteau supérieur et de la croûte (Vergnolle et al.).

Cette partie du projet a coûté environ 25 KF (hors frais de terrain), cofinancées par des crédits ACI (Catastrophes Naturelles-Groupe Transferts de contraintes) et par les laboratoires concernés (UPMC-CNRS).

Publications 2001-2003 (14 articles de rang A) :

Calais, E., M. Vergnolle, J. Déverchère, V. Sankov, A. Lukhnev, and S.
Amarjargal
, Are post-seismic effects of the M=8.4 Bolnay earthquake (July 12, 1905) still influencing GPS velocities in the Mongolia-Baikal area?, Geophys. J. Int., 149, 157-168, 2002.

Calais E., M. Vergnolle, V. San’kov, A. Lukhnev, A. Miroshnitchenko, S. Amarjargal, and J. Déverchère, GPS measurements of crustal deformation in the Baikal-Mongolia area (1994–2002): Implications for current kinematics of Asia, J. Geophys. Res., 108, NO. B10, 2501, doi:10.1029/2002JB002373, 2003.

Carretier S., J-F Ritz, J. Jackson, and A. Baysagalan, Morphological dating of cumulative reverse fault scarp, examples from the Gurvan bulag fault system, Mongolia, Geophys. J. Int., 148, 256-277, 2002.

Chemenda, A., J. Déverchère, and E. Calais, Three-dimensional laboratory modelling of rifting: Application to the Baikal Rift, Russia, Tectonophysics, 356, 253-273, 2002.

Chéry, J., S. Carretier, and J-F. Ritz, Post-seismic stress transfer explains time clustering of earthquakes in Mongolia, Earth Planet. Sci. Lett., 194, 277-286, 2001.

Delouis B., J. Déverchère, V. Melnikova, N. Radziminovitch, L. Loncke, C. Larroque, J. Ritz, and V. San’kov, A reappraisal of the 1950 (Mw 6.9) Mondy earthquake, Siberia, and its relationship to the strain pattern at the south-western end of the Baikal rift zone, Terra Nova, 14(6), 491-500, 2002.

Déverchère J., Petit C., Gileva N., Radziminovitch N., Melnikova V., and San'kov V.
Depth distribution of earthquakes in the Baikal rift system and its implications for the rheology of the lithosphere, Geophys. J. Int., 146, 714-730, 2001.

Larroque, C., J.-F. Ritz, J.-F. Stéphan, V.A. San'kov, A. Arzhannikova, E. Calais, J. Deverchère, and L. Loncke, Interaction compression-extension at the Mongolia-Siberia boundary: preliminary analysis of active and recent deformation in the Tunka basin, C.R. Acad. Sci. Paris, 332, 177-184, 2001.

Petit, C., J. Déverchère, E. Calais, V. San'kov, and D. Fairhead, Deep structure and mechanical behavior of the lithosphere in the Hangai-Hövsgöl region, Mongolia: New constraints from gravity modeling, Earth Planet. Sci. Letters, 197, 133-149, 2002.

Prentice, C. S., K. J. Kendrick, K. Berryman, A. Bayasgalan, J. F. Ritz, and J. Q. Spencer, Prehistoric ruptures of the Gurvan Bulag fault, Gobi Altay, Mongolia, J. Geophys. Res., 107(B12), 2321, doi:10.1029/2001JB000803, 2002.

Pollitz, F., M. Vergnolle, and E. Calais, Fault interaction and stress triggering of twentieth century earthquakes in Mongolia, J. Geophys. Res., 108, NO. B10, 2503, doi:10.1029/2002JB002375, 2003.

Ritz, J.F., and 14 others, Late Pleistocene and Holocene slip rates for the Gurvan Bulag thrust fault (Gobi-Altay, Mongolia) estimated with 10 Be dates, J. Geophys. Res., 108, NO. B3, 2162, doi:10.1029/2001JB000553, 2003.

Tibéri, C., M. Diament, J. Déverchère, C. Petit, V. Mikhailov, S. Tikhotsky, and U. Achauer, Deep structure of the Baikal rift zone revealed by joint inversion of gravity and seismology, J. Geophys. Res., 108, No. B3, 10.1029/2002JB001880, 2003.

Vergnolle, M., F. Pollitz, and E. Calais, Constraints on the viscosity of the continental crust and mantle from GPS measurements and postseismic deformation models in western Mongolia, J. Geophys. Res., 108, NO. B10, 2502, doi:10.1029/2002JB002374, 2003.